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Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges

Publié le 6 Mai 2014

~~ Sacrés pèlerins à Saint-Bertrand-de-Comminges.

« - Jusqu'où on va aller, le long des Pyrénées ? Avais-je demandé, dans le Minervois, à Sophie. Pas la peine de pousser jusqu'à l'Atlantique... Faudrait trouver un bel endroit, pour marquer l'coup. Ça s'ra le point le plus à l'Ouest de notre voyage. »

Sophie, qui est une Historienne et Géographe émérite, avait réfléchi un peu et avait répondu : « - On a qu'à aller jusqu'à Saint-Bertrand-de-Comminges... Ch'crois qu'c'est pas mal. - Moui... Ça m'dit quelque chose... Bonne idée... Et pis, c'est un nom qu'a d'la gueule, Saint- Bertrand de Comminges... ça r'ssemble à Saint Jacques de Compostelle. »

C'est ainsi que, par un bel après-midi (bien qu'un peu nuageux), nous avons découvert la petite cité, perchée sur un éperon rocheux, dans une belle plaine au pied des altières montagnes. Nous avons commencé par visiter la basilique Saint-Just de Valcabrère, un joyau de l'art roman. « - Vous faites pas un prix pour les pèl'rins ? Ai-je demandé, sans trop y croire, à la tickettière... » C'est un tic chez moi : je ne sais pourquoi, mais il faut toujours que je demande une réduction... Il faut préciser que, depuis Avignon, nous suivions, plus ou moins et par hasard, un des innombrables chemins menant à Saint Jacques de Compostelle. Quant à notre qualité de pèlerins, je m'en étais affublé d'autorité. Toute l'équipe d'ailleurs, mis à part Venise qui n'en savait pas si long, était d'accord pour s'en accorder le titre. Nous étions peut-être de drôles de pèlerins, mais nous l'étions quand-même, et l'aimable guichetière ne s'y est pas trompée. Sans même nous demander une quelconque licencia, ou credencial, elle nous a tendu des tickets à moitié prix, des tickets pour enfants, car il est bien connu que les pèlerins sont de grands enfants. La belle basilique visitée, nous avons gravi le chemin escarpé qui menait sur la place, devant la cathédrale.. Je laissai Sophie fatiguée garder les vélos et Venise, abrités sous un vaste préau, puis allai demander un ticket, tarif pèlerin évidemment, pour visiter les stalles et le trésor . Cette fois encore, l'entrée me fut accordée sans un mot, et même avec le sourire. Manifestement, tout dans mon allure, peut-être même jusqu'à l'odeur, indiquait le jacquet. Mon nouvel état m 'enchantait. Le nom et la qualité de pèlerin, je ne sais pourquoi, exerçait sur ma personne, et sur mes contemporains, une certaine fascination due peut-être à l'antiquité des pèlerinages et à la marche à pied pourtant, au Moyen-Age, c'était une punition infligée aux pêcheurs pour racheter leurs fautes. On avait, assez récemment, admis dans la corporation les pèlerins cyclistes, mais, parait-il, régnait une certaine animosité entre les piétons et ces derniers. Preuve d'ailleurs qu'il existait une troisième catégorie, les vrais cons pèlerins, à roulettes ou pas. Je ressortis émerveillé de la cathédrale, alors qu'il pleuvait des cordes et que l'orage, au grand dam de Venise, grondait. « - Faut qu't'ailles voir ça ! - Ouais, ben pas tout d'suite... On doit déjà trouver un'chambre.... Y'a un accueil pour pèlerins, ici, j'ai d'mandé. Y'a qu'à téléphoner. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Nous avons revêtu nos pèlerines et avons rejoint sous une belle pluie bien drue la ville basse où une gentille dame nous a montré notre gîte, vaste, confortable, au sec, chauffé, avec cuisine. Une fois qu'elle nous eût installés, elle nous demanda si nous étions des pèlerins. « - On a déjà dû vous la faire, mais on est des drôles de pèlerins... » Et nous lui avons un peu expliqué notre voyage. Apparemment, nous méritions, de plein droit, ce statut et l'hébergement qui allait avec. « - Merdalors ! On l'a pas volé ! Avec tout ce qu'on en a bavé... C'est quand-mêm' pas François I° qui se les est moulinés, nos 8500 kilomètres ! » En tout cas, nous appréciions fort le côté pratique de la chose : un bon gîte à un prix raisonnable. Nous sommes restés le lendemain, car il pleuvait et parce que Sophie devait voir les stalles de la cathédrales, qui sont une merveille de l'Art de la Renaissance, sans parler du Trésor ni du cloître, ni de l'édifice les contenant, pourtant fort beaux et intéressants. Le jubé et ses stalles avaient été commandés au milieu du XVI° siècle par l'évêque Jean de Mauléon, sculptés par d'incomparables artistes, qui mirent vingt ans à les terminer. C'était un incroyable, énorme meuble en chêne sombre placé au milieu de la cathédrale pour séparer les chanoines du va-et-vient des nombreux pèlerins et fidèles qui, depuis la mort de Saint-Bertrand, hantaient le lieu. Ce qui me frappa d'abord en entrant fut toute une théorie de belles dames arborant toutes de belles poitrines pigeonnantes, qui devaient distraire les religieux pendant les prêches trop ennuyeux. Ces derniers devant sans cesse se lever et s'asseoir pendant les offices, pouvaient s'appuyer sur des sortes de strapontins nommés « miséricordes ». Toutes étaient ornées d'une sculpture différente. L'ensemble formait une incroyable forêt d'images et de motifs taillés dans du chêne. Et chaque statue, chaque bas ou haut-relief, chaque marqueterie était un artefact digne d'être contemplé de longues minutes. Disons que si l'on eût pu scier ce machin en petits bouts, il y aurait eu de quoi remplir quelques musées de nombreux chef-d’œuvre. J'admirai en particulier deux petits personnages placés de chaque côté d'un arbre. Allez donc figurer un arbre en sculpture... Vous m'en direz des nouvelles... L'artiste y était admirablement parvenu ; à gauche, il y avait ce grand benêt d'Adam, qui venant de croquer le fruit défendu, cachait maladroitement sa nudité fraîchement honteuse. A droite, comme vous vous en doutez, se tenait Ève, mais, contrairement à son compagnon d'infortune, elle avait déjà trouvé le moyen d'être élégante. Ses longs cheveux lui tombant sur les épaules, cachant sa ronde poitrine d'un bras potelé, c'était la plus admirable petite femme (vingt cm de hauteur) que l'on pût contempler, et elle avait un petit air coquin et mutin tout à fait réussi. Pour tout dire, elle ne semblait pas se repentir outre mesure d'avoir goûté la fameuse pomme. Du coup, Dieu a doublé la punition : « - Tu saigneras tous les mois, et tu enfanteras dans la douleur, qu'il lui a dit. Et toc. » Mais devant une si libertine représentation de la femme, les braves chanoines devaient être tout congestionnés. Nous aurions pu rester dans cet endroit des jours entiers : il y avait tant à voir ! Chaque recoin cachait un motif élégant, une allégorie en bas-relief, un saint, un évêque, un patriarche.... L'endroit, bien que fort différent, me faisait penser à la chapelle Palatine de Palerme. Nous l'avons aussi quitté avec regret.

Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges
Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges
Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges
Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges
Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges
Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges
Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges
Sacrés pélerins à St Bertrand de Comminges
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T
Les kilomètres pour le retour diminuent, encore de beaux endroits à visiter; la France profonde révèle tout son charme à qui l'apprécie.Vous devez encore vous peler car les degrés chaud ne sont pas au rendez-vous.<br /> Nous pensons bien à vous pélerins suant sur le vélo.Comme vous êtes dans le coin des espadrilles il faudrait en offrir à Venise pour reposer ses papattes.<br /> bisous à bientôt <br /> <br /> Tacol et Michel
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E
bonjour, <br /> alors, en route pour l'espagne , voir le portugal, ou pas? ce sera la surprise pour moi lors de votre prochain message...je vous embrasse; et vous souhaite à la fois plaisirs et courage pour les &quot;dénivelés positifs&quot;! <br /> elisabeth..
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